Au cœur du collage la matière
Le collage interroge la matière. La présence des matériaux (papier peint, moulure, bois sable etc..) est détournée au profit de leurs qualités plastiques.
C’est dans les années 1940-1950 que l’on voit apparaitre ce qu’on appellera dans l’art moderne les techniques mixtes. Des artistes comme Antonin Tapiès, Jean Fautrier se lance dans cette aventure. Jean Dubuffet pense que chaque matériau a son propre langage qui se rapproche d’un sentiment spirituel. Dubuffet au sujet du mot collage évoque toutefois une réticence.
« Il m’a semblé que le mot collage ne devrait pas être considéré comme un terme générique désignant n’importe quel ouvrage où intervient de la colle, mais comme un terme historique réservé au collage fait dans la période 1910-1920 par les dadaïstes. Ces travaux participaient d’une certaine humeur qui me semble lié au mot, tout aussi bien que le mot symbolisme est lié à un certain climat d’époque et provoquerait des malentendus si on le réemployait pour des poèmes fait dans un autre temps, quand bien même ceux-ci feraient usage de symboles. »
C’est surement pour cette raison que Dubuffet à l’instar d’autres théoriciens utiliseront le terme d’assemblage pour les arts composites ou procédant par juxtaposition comme Kurt Schwitters. D’autres utiliseront à ce propos le qualificatif de tableaux matériaux.
La matière des artistes assembleurs comme Gaston Chaissac est une collecte d’objets (papier peints, étiquette, revue populaire etc.. Cette nouvelle matière utilisée en art ne manque pas de faire scandale. Mais les choix de matériaux, la manière de les agencer deviennent des signatures et pourquoi pas des styles.
Tapiès dans sa démarche utilise des matériaux naturels ou considéré comme pauvre. (Terre, sable paille…) Pour lui la matière ainsi travaillé lui permet de remonter à l’essence secrète des choses et faire jouer la lumière dans le tableau par l’organisation.
Comme le note Marc Augé si les sociétés ont besoin d’objets ce n’est pas seulement pour marquer, baliser mais parce que leur matière même est problématique. Elle se traite symboliquement à la limite du pensable et de l’impensable. Ainsi on pourra parler des arts du peu du pauvre, de l’ordinaire, de l’industrie.
Cette recherche sans fin de matériaux susceptibles d’apporter un qualité personnelle et métaphysique à leur œuvre, en raison des choix très précis effectués par ces artistes et des opérations de collage tout aussi minutieuse qui en découlent. L’artiste est le serviteur de ses matériaux : il en révèle leur vie secrète.