Exposition du peintre Yves Bélorgey à Galerie Xippas
du 6 septembre 2014 au 4 octobre 2014
La photographie est au cœur du travail du langage plastique de création de Bélorgey. La première étape de chaque œuvre consiste à photographier de manière exhaustive son sujet afin de créer un « photomontage » un collage photographique réunissant plusieurs prises de vue. Ce collage est ensuite posé sur une feuille de papier qui reprend la forme de la toile en dimension réduite, la photographie servant ainsi de dessin préparatoire. L’écart créé entre photomontage et la surface du papier est complet par l’artiste qui dessine un prolongement possible de la photographie. Ce vas et vie entre la photographie, le dessin et la peinture, entre la documentation et l’interprétation, le réel et l’imaginaire, fait la force du travail d’ Yves Bélorgey et le rend intriguant.
Du paysage habité j’ai gardé les immeubles d’habitation collectifs, multifamiliaux,
modernes (construits après les années soixante). Chaque tableau représente un fragment de l’espace habité, évoque un environnement plus large qui renvoie à des faits et des processus historiques. Je m’interroge sur l’histoire du XXe siècle à travers la peinture. Depuis que les cubistes ont cassé l’objet, qu’est devenue la relation entre les oeuvres plastiques (peinture comprise) et l’architecture ? L’immeuble d’habitation moderne, mal-aimé, avec ses volumes simples et ses façades planes, est une dérivation des formes cubistes. Mais, selon les normes actuelles, rien de ce qu’il représente ne peut en faire un sujet pictural. Les techniques rationnelles de construction, la culture du progrès, sa diffusion internationale, l’autorité des pouvoirs publics, l’état planificateur, la banlieue, les quartiers sensibles, une population déshéritée… Tout cela doit rester a priori hors du
tableau. L’immeuble collectif est devenu le mauvais objet par excellence, ou l’objet d’une mauvaise conscience. Il bloque à la fois l’adhésion au modèle anthropologique de la maison comme abri et le processus d’identification que l’oeuvre d’art est censée mettre en place. Souvent considéré comme un signe de réduction de l’humain à l’animal — la fameuse « cage à lapins » —, l’immeuble collectif est presque tabou. Il rappelle en version soft la caserne et les baraquements concentrationnaires. En Europe de l’Est, il est rejeté comme un vestige des régimes communistes. Pour ma part, je regarde ces objets tels qu’ils se présentent aujourd’hui, en gardant chaque fois à l’esprit l’ampleur du projet qui a motivé leur construction. Le tableau est une forme ouverte, irréductible au constat critique. Je ne veux pas ce mélange de compassion et de dénonciation que semble appeler le sujet. Je ne montre pas un monde idéal, je tente de restituer ce que j’ai vu. Je me situe dans l’écart entre l’utopie et ce qu’il en reste dans l’inachevé de l’actualité.