Rauschenberg et l’expressionnisme abstrait
Les première peintures de Rauschenbert étaient vides de toute image, comme point ultime de l’expressionnisme abstrait, qu’il a, rapidement, commencé à narguer, avec des « combines ».
Expliquant ce qui le différencie de l’expressionnisme abstrait, ce qui l’y oppose et en fait même une négation, Rauschenberg a parlé de son « grand éloignement par rapport à l’expressionnisme abstrait, qui a ses racines dans les concepts européens », tandis que « l’art américain a une énergie naturelle sans histoire ». En Europe, il y a une sorte de patine sur tout. A New York on ne peut jamais prévoir ce qu’on va voir en sortant dans la rue »
L’expressionnisme abstrait, effectivement, est bien plus enraciné dans la tradition européenne que les influences immédiates qu’on lui connaît : Picasso, Matisse, les grands peintres abstraits du début de vingtième siècle, le surréalisme et son écriture automatique, et les dernières œuvre de Monet. C’est, peut être, la tendance la plus radicale et extrême : l’ultime accomplissement grandiose de l’idée de l’art moderne. Au-delà s’inaugure une post-modernité, « contemporaine » dont Rauschenberg lui-même est l’un des initiateurs.
L’expressionnisme abstrait réalise l’idée de l’absolu de l’art, libéré de toute référence externe : en tant que pur traitement d’un matériau spécifique et comme l’expression du soi.
Les premières œuvres de cet absolu de l’art, libéré de toute référence externe : en tant que pur traitement d’un matériau spécifique et comme l’expression du soi. Les premières œuvres de cet art absolu ont été dues aux peintres et poètes français, après 1848. Mais sa pensée est surtout depuis Kant, le premier romantisme et l’idéalisme allemand. Le transcendantalisme américain du dix-neuvième siècle (« redécouvert » pendant l’effervescence intellectuelle des années de la grande dépression), dont l’expressionnisme abstrait peut être considéré comme l’aboutissement, avant les mêmes références et les mêmes racines idéalistes et romantiques.
Page 33 de Rauschenberg de Youssef Ishaghpour « Le monde comme image de production »
Biographie : d après le livre de Youssef Ishahpour aux édition Léo Scheer 2003
Confrontation Europe Amérique entre Rauschenberg et Schwitters
Une autre distance le sépare de Schwitters, bien qu’à son égard la dette soit immense et réelle. Il ne s’agit pas seulement de ce qui les distingue dès le départ ; la taille. Les miniatures silencieuses, intimes de Schwitters et les grands spectacles bruyants de Rauschenberg : ceci différencie d’emblée un Européen d’un Américain, même si avec la quantité change aussi l’essence.
Chez Schwitters, en général, prédomine l’idée de l’œuvre, avec ce qu’elle implique de clôture, selon le principe des premiers papiers collés de Picasso et Braque : l’œuvre s’ouvre à l’extérieur, mais l’absorbe, l’intègre, l’élabore. Malgré l’insignifiance d’éléments quelconques, le tour dépend – sans qu’il s’agisse de deux niveaux, comme pour les Combine – du caractère éminemment formel de la composition et des couleurs. Un collage de toutes les tendances de l’art moderne : cubisme, dada, expressionnisme, suprématisme, constructivisme. Une prédominance de la composition picturale et plastique, dans l’arrangement des formes, des espaces, des couleurs. Schwitters crée une œuvre abstraite à partir d’éléments concrets rapportés, et avec l’intégration de tous ces éléments plastiques – qui sont loin d’être les ancêtres des Combine – les éléments inutiles récupérés et collés sur le tableau sont mis en forme et retravaillés par couleur pour aboutit à des structures abstraites.
En même temps par la fragilité et l’inutilité de ces éléments dans un assemblage sans signification, Schwitters nargues, ironiquement la solennité des ses propres constructions formelles esthètes et précieuses.
Au début, il s’agit pour Schwitters de donner forme à des résidus, des les éliminer : comme de réunir des traces après une déflagration. Temps sur temps de couches sédimentés par surimpression et agglomération. A la fois le hasard et la construction, avec la part de mémoire qui entre dans le choix et les harmoniques d’une organisation musicale, ayant une dynamique compositionnelles centripète et centrifuge. Tandis que chez Rauschenberg, malgré la disposition formelle qui construit mais n’intègre pas, l’œuvre implose et explose, attire l’extérieur à soir et se projette au dehors. Là où les miniatures de Schwitters renvoient au sentiment intérieur d’un chiffonnier réunissant les traces de d’un absence. Chez Rauschenberg, les traces – souvent des objets intimes personnels – sont disséminées, sans que l’absence qu’elle manifeste suscite un quelconque sentiment.
Cependant le rapport entre les deux peintres se transforme avec les œuvres finales de Schwitters. Jusqu’au milieu des années trente, même après son exil à cause des nazis, une sorte d’euphorie persiste dans les collages de Schwitters. Puis, il semble que même les collages aient subit un bombardement. Les œuvres perdent leur dynamique interne. Au lieu de partir des déchets pour créer une œuvre, ce sont les œuvres qui paraissent arrachées à elles-mêmes, détruites, décollées, en état de ruine.
Avant la seconde guerre mondiale, les images de reproduction étaient rares dans les collages, mais ensuite les reproductions et les photographies – même la sienne propre –se multiplient, et Schwitters juxtapose photographie et reproduction d’œuvre de la Renaissance… Dans le temps, et par sa démarche, Rauschenberg vient après cette dernière période de Schwitters : il en amplifie les principes à tous les niveaux.
Le monde comme image de Rauschenberg
Rauschenberg se propose en 1950 de présenter une œuvre qui est la négation de l’expressionnisme abstrait. Au début il n a pas fait le choix entre la photographie et la peinture. En photographie le sujet lui importe moins que le traitement photographique lui-même. Les premières photographies de Rauschenberg se proposent de faire apparaître leur nature spectrale.
Les images importées dans la presse font partie des matériaux imprimés dont il se sert dans des collages sur papier. Les matériaux sont réunit sans volonté d’homogénéité.
Il avait commencé par faire des collages et des peintures séparément mais il va très vite dans ce qu’il appelle des combine coller toutes sortes de matériaux sur les tableaux. Dans la série les « Red painting » de 1954 la peinture laisse des coulées sur le tableau, recouvre diverses matières collées dans une combinaison d’abstrait et de concret.
Rauschenberg se considère comme « du papier photosensible qui est seulement éclairé » et capte le monde. Ainsi – dans une profonde adhésion et une acceptation de tout, selon le « principe indifférence » qui définit le caractère « démocratique » de la photographie -, ses « transferts » photographiques constituent les grandes fresques épiques du contemporain.
Les premières peintures de Rauschenberg étaient vides de toute image, comme point ultime de l’expressionnisme abstrait, qu’il a rapidement commencé à narguer, avec ses combine, dans la tradition, transformée, de l’anti-art et de Dada : en ouvrant l’en soi de œuvre d’art absolu à tout vent, aux restes disparates, hétérogènes et incongrus du quotidien.
Rauschenberg prenait ses images partout. en écartant des images figée, arrêtées ou trop chargées et susceptibles de devenir une illustration. En rejetant ce qui dans chaque image ou dans le rapport entre les images pourrait imposer des significations évidentes, suggérer des relation implicites ou inconscientes, des asssociations ou des clichés. En choisissant des images peu spécifiques afin que l’ensemble garde une grande force pour chaque spectateur, qui est requis par le « tableau » autant que Rauschenberg lui même : car ils sont égaux. L’artiste « ne s’exprime pas » il propose et n’a par principe, aucun privilège par rapport au spectateur. Sauf de pouvoir figurer en une « autobiographie » après avoir collé ses photos – d’enfance et d’autres ages, parmi d’autres effets personnels – dans ses « Combine »
Le monde comme image de reproduction